J'ai vu des villes à bascule
Chevauchées par des nains
Sans vergogne
Et des siècles en poussière
Hurlant sous les sabots
Des guirlandes de gueux
Acclamant les nabots
Devant les banques blêmes
De lingots éclatants
J'ai vu de vieux archanges
Aux ailes de papier-
monnaie
Jetés jusqu’aux cieux
Puis, flétris, retombant
Dans l'escarcelle du mendiant
Qui s'éveillant surpris
Et s'en fut roupillant
Aux faces minérales des passants
Dépassés
J'ai vu l'avidité
Comme un grand léopard
Enseveli déjà sous
Un amas d'argent
J'ai vu des animaux
Mais peut-être des gens
J'ai vu toute une rue
Qu'on vendait à l'encan
Et des gratteurs de sols
Des faiseurs de boucan
Ils tentaient d'arracher
Un sourire à la Terre
J'ai vu les gris silos
Austères d'un parking
Lever un rictus impossible
Après un bon lifting
Sur des autos crachant
De la fumée
Quand les lèvres d'asphalte
Un jour se desserrèrent
J'ai vu le pied fossilisé
D'un piéton piétinant
Sur un tapis rrrroulant
Du derrière ou des yeux
De derrière un écran
Chère Madame, Cher Monsieur
J'ai vu sous les feux bleus
La face lisse du bon sens
Comme un petit billet
Qu'on glisse
Dans la tire lire
Du destin
Votez, votez pour moi
J'ai vu un bon matin
Dans les vapeurs d'essence
Quantité de catins
Lavées d'oubli
Et déjà vierges
Pour un jour de guichets
Aguichantes nymphettes
Fardées au téléphone
Pour quel satyre correct
J'ai vu le visage bouffi de l'Etat
Mâchonnant son chewing-gum
Au goût de temps sans fin
J'ai vu la figure de figue
Fatiguée du patron des patrons
Des patrons
On cueillait, dès potron
Minet, ses mots sacrés
Avec une gaule adéquate
Des cas farcis d'allocations
De rentes, de pensions
De fins fraudeurs
Truquer le tourniquet
Pour accéder au quai
De faux évangélistes
Aveugles ou mutilés
De vie
J'ai vu des silences
Apocryphes
Aux becs bénis
Des commères
Et derrière le zinc
Un brindezingue
Crié vrillé puis qui vacille
J'ai vu le baiser
Carrelé du sol sale
Je n'ai rien vu du tout
Etienne Orsini
© Etienne Orsini
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